MatinUn salon, meublé principalement de quatre fauteuils et une table  translation - MatinUn salon, meublé principalement de quatre fauteuils et une table  Indonesian how to say

MatinUn salon, meublé principalemen

Matin
Un salon, meublé principalement de quatre fauteuils et une table basse, le tout
ressemblant à une salle d’attente plutôt désuète. Deux personnages, entre quarante et
cinquante ans, Dominique et Christiane, patientent. Dominique peut être
indifféremment un homme, ou une femme un peu masculine (physique ou style
vestimentaire). On supposera dans les deux cas qu’ils forment un couple. Dominique
vérifie ses mails sur son téléphone portable. Christiane feuillette nerveusement le
magazine qu’elle a saisi au hasard sur la table basse.
Christiane – J’espère qu’ils vont nous la prendre, parce que sinon je ne sais vraiment
pas ce qu’on va en faire…
Dominique (la tête ailleurs) – On croirait que tu parles d’un animal à fourguer à la SPA
avant de partir en vacances…
Christiane – Je suis sûre qu’un chenil, c’est plus facile à trouver en région parisienne…
En tout cas, c’est sûrement moins cher, parce que dans le privé… Non, c’est notre
dernière chance, je t’assure… Il ne faut pas se louper, là…
Dominique – Il y a d’autres établissements quand même…
Christiane – Elle s’est fait virer de partout dans un rayon de cinquante kilomètres à la
ronde ! On ne va pas la coller en pension dans la Creuse ! Tu imagines les temps de
transports pour aller la voir de temps en temps…
Dominique (pianotant toujours sur son portable) – Mmm…
Christiane – Tu peux arrêter un peu avec ton portable ! J’ai l’impression de parler à ma
mère !
Dominique – Ta mère a un portable ?
Christiane – Elle, tu sais… Elle n’a même pas besoin de portable pour avoir l’air d’un
zombie quand on lui parle…
Dominique range son portable à regrets, examine un peu l’endroit, et fait mine de
s’intéresser.
Dominique – Ça a l’air pas mal, non ?
Christiane – On n’a plus tellement le choix, de toute façon.
Dominique – Qu’est-ce qu’elle t’a dit, la directrice ? Qu’elle avait une place ?
Christiane – Elle m’a dit qu’on était sur liste d’attente… Mais qu’elle avait bon espoir,
hélas, qu’une place se libère bientôt…
Dominique – Hélas…?
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Christiane – Et tu ne fais pas de gaffes, hein ? C’est un établissement catholique… Ce
n’est pas des intégristes, mais bon… Autant mettre toutes les chances de notre côté…
Dominique – Je vois… Donc inutile de préciser qu’elle est juive.
Christiane – Est-ce qu’elle s’en souvient elle-même…? Personne dans la famille n’a
jamais été vraiment pratiquant…
Dominique – Quand même… elle doit s’en souvenir. Ce n’est pas un truc qui s’oublie
facilement…
Christiane (cassante) – Oui, ben, non !
Arrive Nathalie, la directrice, entre trente et quarante ans, look BCBG catho un peu
coincée.
Christiane – Ah, bonjour Madame la Directrice !
Nathalie – Désolée de vous avoir fait attendre.
Christiane – Mais pas du tout, voyons… Je vous présente Dominique, mon… ami.
Dominique serre la main de Nathalie avec une amabilité un peu forcée.
Nathalie – Nathalie Saint Maclou.
Dominique – Comme la moquette ?
Nathalie – Avant d’être un magasin de bricolage, Maclou était un saint, vous savez.
Dominique – Saint Maclou, évidemment.
Christiane lui lance un regard consterné et s’empresse d’en arriver au sujet qui
l’occupe.
Christiane – Dans ce cas, il aura peut-être entendu nos prières… J’espère que vous
avez de bonnes nouvelles pour nous, Madame la Directrice…
Nathalie – Oui, oui, rassurez-vous… Enfin, quand je dis bonnes nouvelles… Comme
on dit, le malheur des uns…
Christiane – Vous ne pouvez pas imaginer le soulagement que c’est pour nous…
Merci de lui donner encore une chance…
Nathalie – C’est vrai qu’elle est assez… tonique, mais bon… À cet âge-là, c’est
toujours mieux que le contraire, n’est-ce pas ?
Dominique – Du temps de mes parents, ce n’était pas du tout comme ça… Ils étaient
beaucoup plus… dociles. Enfin… Ça doit être la nouvelle génération…
Nathalie – Les derniers contrecoups fâcheux de mai soixante-huit, probablement.
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Christiane – Mais… n’hésitez surtout pas à être un peu ferme avec elle dès le début,
hein ? Pour la cadrer tout de suite. Sinon, vous ne vous en sortirez pas, croyez-moi…
Nathalie – Rassurez-vous, nous avons l’habitude… C’est notre métier, après tout…
Elle sera très bien chez nous…
Dominique – Oh, mais ce n’est pas pour elle que nous étions inquiets, je vous
assure…
Nathalie – Bon, et bien vous allez pouvoir la faire entrer, maintenant…
Christiane – Tu vas la chercher, Dominique ?
Dominique – Bien sûr…
Christiane – Alors vous pouvez l’accueillir dès ce soir, n’est-ce pas…?
Nathalie – Si elle a ses petites affaires avec elle… Vous pourrez toujours amener le
reste après…
Christiane – Vous pensez bien qu’on avait fait sa valise, au cas où vous auriez pu
nous en débarrasser tout de suite... Je veux dire… nous la prendre tout de suite.
Dominique revient en tenant d’une main une valise, et de l’autre la main de Blanche,
une vieille dame.
Nathalie – Blanche, je vous souhaite la bienvenue à la maison de retraite médicalisée
Les Sapins.
Blanche – Je me disais bien aussi : ça sent le sapin…
Nathalie (gentiment sévère) – Mais il va falloir être bien sage si vous voulez rester
avec nous, Blanche, n’est-ce pas ? Il me semble avoir lu entre les lignes dans votre
dossier que vous aviez un caractère un peu… enflammé.
Christiane – Tu as entendu, ce qu’a dit la dame, maman ?
Dominique – Pas question de mettre le feu aux Sapins comme vous l’avez fait aux
Acacias. (À Nathalie) C’est le nom de la maison de retraite dont elle vient de se faire
exclure pour raisons disciplinaires…
Nathalie semble un peu surprise, et Christiane lance à Dominique un regard
incendiaire.
Christiane – Sa responsabilité n’a jamais été formellement établie dans le
déclenchement de ce début d’incendie, mais bon… Il suffit de ne pas laisser jouer
avec des allumettes…
Nathalie – Merci de me le signaler, quoi qu’il en soit…
Christiane – Sinon, vous verrez, elle peut aussi se montrer très agréable. Très
sociable. Et même très drôle, parfois.
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Dominique – C’est important, l’humour.
Christiane – Vous verrez, elle va vous surprendre.
Nathalie – En tout cas, vous avez eu de la chance… Vous seriez venus il y a un mois,
je n’avais pas une place de libre… Et là, j’en ai trois qui se libèrent coup sur coup…
Christiane – Ah, oui, c’est curieux…
Nathalie – La loi des séries, malheureusement… Mais qu’y pouvons-nous ? Le
Seigneur les a rappelés à lui…
Dominique – Espérons que là haut, ce ne soit pas complet non plus…
Christiane le fusille du regard.
Nathalie – Saint Pierre a aussi ses listes d’attente pour les cas litigieux, vous savez…
Nous appelons ça le purgatoire…
Blanche – Je croyais que ça s’appelait Les Sapins…
Christiane – Voyons, maman, ici c’est une maison de retraite médicalisée…
Nathalie – Alors, Blanche... Votre fille m’a dit que vous étiez comédienne, n’est-ce
pas ? Enfin, je veux dire, avant…
Christiane – Comédienne, vous verrez… Elle l’est restée encore un peu,
malheureusement…
Dominique – Mais disons que même dans la vie courante, maintenant, elle a tendance
à oublier un peu ses répliques, hein Blanche ?
Blanche – Alors si je meurs, je n’aurais pas le droit d’être enterrée avec les autres ?
Christiane – Mais voyons, maman, pourquoi tu dis ça... ?
Blanche – Les comédiens, vous les catholiques, vous refusez de les enterrer dans vos
cimetières, non ?
Nathalie – Voyons, Blanche, l’Eglise a considérablement évolué sur ce point, vous
savez… Comme sur beaucoup d’autres… Nous considérons maintenant que même un
mauvais comédien peut être un bon catholique…
Blanche – Même les Juifs ?
Dominique – Voyons, Blanche, il n’est pas question d’enterrement pour l’instant…
Christiane – Et puis tu n’es juive que par ton père, ça ne compte pas.
Blanche – Ce n’était pas l’avis de la Gestapo pendant la guerre.
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Christiane – Ne l’écoutez pas, elle a passé toute la guerre dans une ferme à Vichy
chez sa grand-mère maternelle. Les seuls nazis qu’elle a jamais vus, c’est à la télé,
dans La Grande Vadrouille. Mais il faut toujours qu’elle en rajoute. Les comédiennes…
Blanche (à Nathalie) – Vous n’êtes pas de la Gestapo, vous ?
Christiane – Enfin Maman ! Tu vois bien que Madame n’est pas de la Gestapo. Et je
suis sûre que s’il le fallait, en cas d’urgence, elle ne te refuserait pas les derniers
sacrements…
Dominique – Et puis vous êtes en pleine forme, Blanche !
Christiane – C’est elle qui nous enterrera tous, croyez-moi.
Silence embarrassé.
Dominique – Voilà, voilà…
Christiane – Bon ben alors euh…
Dominique – On va peut-être y aller, hein, Christiane ? Avant que Madame la
Directrice ne change d’avis…
Christiane – Maintenant qu’on sait que ma mère est entre de bonnes mains.
Nathalie – Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.
Christiane – Allez, au revoir maman, on revient te faire une petite visite bientôt,
d’accord ?
Très émue malgré tout, elle embrasse sa mère. Dominique en fait autant.
Dominique – Au revoir Blanche. Et soyez bien sage…
Christiane – Merci encore… Et à très bientôt…
Christiane et Dominique s’éclipsent discrètement. Blanche les regarde partir,
impassible. Puis elle se tourne vers Nathalie.
Blanche – C’est qui celle-là ? Pourquoi elle m’appelle maman ?
Nathalie la regarde un peu embarrassée.
Nathalie – Mais voyons, Blanche, c’est Christiane, votre fille.
Blanche – Évidemment, je vous fais marcher…
Nathalie (soulagée) – Allez, suivez-moi, je vais vous montrer votre chambre…
Nathalie prend la valise et elles commencent à s’éloigner.
Blanche – L’autre, en revanche, sa tête de faux jeton ne me dit rien du tout… C’est
qui ? Mon gendre ?
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Nathalie lance un regard vers elle, se demandant si elle plaisante encore ou pas. Elles
sortent.
Henriette, une vieille dame, arrive avec un train de sénateur, voire avec un
déambulateur. Elle s’assied dans un fauteuil et commence à lire un magazine : Votre
Temps. Une autre personne âgée arrive
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MatinUn salon, meublé principalement de quatre fauteuils et une table basse, le toutressemblant à une salle d’attente plutôt désuète. Deux personnages, entre quarante etcinquante ans, Dominique et Christiane, patientent. Dominique peut êtreindifféremment un homme, ou une femme un peu masculine (physique ou stylevestimentaire). On supposera dans les deux cas qu’ils forment un couple. Dominiquevérifie ses mails sur son téléphone portable. Christiane feuillette nerveusement lemagazine qu’elle a saisi au hasard sur la table basse.Christiane – J’espère qu’ils vont nous la prendre, parce que sinon je ne sais vraimentpas ce qu’on va en faire…Dominique (la tête ailleurs) – On croirait que tu parles d’un animal à fourguer à la SPAavant de partir en vacances…Christiane – Je suis sûre qu’un chenil, c’est plus facile à trouver en région parisienne…En tout cas, c’est sûrement moins cher, parce que dans le privé… Non, c’est notredernière chance, je t’assure… Il ne faut pas se louper, là…Dominique – Il y a d’autres établissements quand même…Christiane – Elle s’est fait virer de partout dans un rayon de cinquante kilomètres à laronde ! On ne va pas la coller en pension dans la Creuse ! Tu imagines les temps detransports pour aller la voir de temps en temps…Dominique (pianotant toujours sur son portable) – Mmm…Christiane – Tu peux arrêter un peu avec ton portable ! J’ai l’impression de parler à mamère !Dominique – Ta mère a un portable ?Christiane – Elle, tu sais… Elle n’a même pas besoin de portable pour avoir l’air d’unzombie quand on lui parle…Dominique range son portable à regrets, examine un peu l’endroit, et fait mine des’intéresser.Dominique – Ça a l’air pas mal, non ?Christiane – On n’a plus tellement le choix, de toute façon.Dominique – Qu’est-ce qu’elle t’a dit, la directrice ? Qu’elle avait une place ?Christiane – Elle m’a dit qu’on était sur liste d’attente… Mais qu’elle avait bon espoir,hélas, qu’une place se libère bientôt…Dominique – Hélas…?4Christiane – Et tu ne fais pas de gaffes, hein ? C’est un établissement catholique… Cen’est pas des intégristes, mais bon… Autant mettre toutes les chances de notre côté…Dominique – Je vois… Donc inutile de préciser qu’elle est juive.Christiane – Est-ce qu’elle s’en souvient elle-même…? Personne dans la famille n’ajamais été vraiment pratiquant…Dominique – Quand même… elle doit s’en souvenir. Ce n’est pas un truc qui s’oubliefacilement…Christiane (cassante) – Oui, ben, non !Arrive Nathalie, la directrice, entre trente et quarante ans, look BCBG catho un peucoincée.Christiane – Ah, bonjour Madame la Directrice !Nathalie – Désolée de vous avoir fait attendre.Christiane – Mais pas du tout, voyons… Je vous présente Dominique, mon… ami.Dominique serre la main de Nathalie avec une amabilité un peu forcée.Nathalie – Nathalie Saint Maclou.Dominique – Comme la moquette ?Nathalie – Avant d’être un magasin de bricolage, Maclou était un saint, vous savez.Dominique – Saint Maclou, évidemment.Christiane lui lance un regard consterné et s’empresse d’en arriver au sujet quil’occupe.Christiane – Dans ce cas, il aura peut-être entendu nos prières… J’espère que vousavez de bonnes nouvelles pour nous, Madame la Directrice…Nathalie – Oui, oui, rassurez-vous… Enfin, quand je dis bonnes nouvelles… Commeon dit, le malheur des uns…Christiane – Vous ne pouvez pas imaginer le soulagement que c’est pour nous…Merci de lui donner encore une chance…Nathalie – C’est vrai qu’elle est assez… tonique, mais bon… À cet âge-là, c’esttoujours mieux que le contraire, n’est-ce pas ?Dominique – Du temps de mes parents, ce n’était pas du tout comme ça… Ils étaientbeaucoup plus… dociles. Enfin… Ça doit être la nouvelle génération…Nathalie – Les derniers contrecoups fâcheux de mai soixante-huit, probablement.5Christiane – Mais… n’hésitez surtout pas à être un peu ferme avec elle dès le début,hein ? Pour la cadrer tout de suite. Sinon, vous ne vous en sortirez pas, croyez-moi…Nathalie – Rassurez-vous, nous avons l’habitude… C’est notre métier, après tout…Elle sera très bien chez nous…Dominique – Oh, mais ce n’est pas pour elle que nous étions inquiets, je vousassure…Nathalie – Bon, et bien vous allez pouvoir la faire entrer, maintenant…Christiane – Tu vas la chercher, Dominique ?Dominique – Bien sûr…Christiane – Alors vous pouvez l’accueillir dès ce soir, n’est-ce pas…?Nathalie – Si elle a ses petites affaires avec elle… Vous pourrez toujours amener lereste après…Christiane – Vous pensez bien qu’on avait fait sa valise, au cas où vous auriez punous en débarrasser tout de suite... Je veux dire… nous la prendre tout de suite.Dominique revient en tenant d’une main une valise, et de l’autre la main de Blanche,une vieille dame.Nathalie – Blanche, je vous souhaite la bienvenue à la maison de retraite médicaliséeLes Sapins.Blanche – Je me disais bien aussi : ça sent le sapin…Nathalie (gentiment sévère) – Mais il va falloir être bien sage si vous voulez resteravec nous, Blanche, n’est-ce pas ? Il me semble avoir lu entre les lignes dans votredossier que vous aviez un caractère un peu… enflammé.Christiane – Tu as entendu, ce qu’a dit la dame, maman ?Dominique – Pas question de mettre le feu aux Sapins comme vous l’avez fait auxAcacias. (À Nathalie) C’est le nom de la maison de retraite dont elle vient de se faireexclure pour raisons disciplinaires…Nathalie semble un peu surprise, et Christiane lance à Dominique un regardincendiaire.Christiane – Sa responsabilité n’a jamais été formellement établie dans ledéclenchement de ce début d’incendie, mais bon… Il suffit de ne pas laisser joueravec des allumettes…Nathalie – Merci de me le signaler, quoi qu’il en soit…Christiane – Sinon, vous verrez, elle peut aussi se montrer très agréable. Trèssociable. Et même très drôle, parfois.6Dominique – C’est important, l’humour.Christiane – Vous verrez, elle va vous surprendre.Nathalie – En tout cas, vous avez eu de la chance… Vous seriez venus il y a un mois,je n’avais pas une place de libre… Et là, j’en ai trois qui se libèrent coup sur coup…Christiane – Ah, oui, c’est curieux…Nathalie – La loi des séries, malheureusement… Mais qu’y pouvons-nous ? LeSeigneur les a rappelés à lui…Dominique – Espérons que là haut, ce ne soit pas complet non plus…Christiane le fusille du regard.Nathalie – Saint Pierre a aussi ses listes d’attente pour les cas litigieux, vous savez…Nous appelons ça le purgatoire…Blanche – Je croyais que ça s’appelait Les Sapins…Christiane – Voyons, maman, ici c’est une maison de retraite médicalisée…Nathalie – Alors, Blanche... Votre fille m’a dit que vous étiez comédienne, n’est-cepas ? Enfin, je veux dire, avant…Christiane – Comédienne, vous verrez… Elle l’est restée encore un peu,malheureusement…Dominique – Mais disons que même dans la vie courante, maintenant, elle a tendanceà oublier un peu ses répliques, hein Blanche ?Blanche – Alors si je meurs, je n’aurais pas le droit d’être enterrée avec les autres ?Christiane – Mais voyons, maman, pourquoi tu dis ça... ?Blanche – Les comédiens, vous les catholiques, vous refusez de les enterrer dans voscimetières, non ?Nathalie – Voyons, Blanche, l’Eglise a considérablement évolué sur ce point, voussavez… Comme sur beaucoup d’autres… Nous considérons maintenant que même unmauvais comédien peut être un bon catholique…Blanche – Même les Juifs ?Dominique – Voyons, Blanche, il n’est pas question d’enterrement pour l’instant…Christiane – Et puis tu n’es juive que par ton père, ça ne compte pas.Blanche – Ce n’était pas l’avis de la Gestapo pendant la guerre.7Christiane – Ne l’écoutez pas, elle a passé toute la guerre dans une ferme à Vichychez sa grand-mère maternelle. Les seuls nazis qu’elle a jamais vus, c’est à la télé,dans La Grande Vadrouille. Mais il faut toujours qu’elle en rajoute. Les comédiennes…Blanche (à Nathalie) – Vous n’êtes pas de la Gestapo, vous ?Christiane – Enfin Maman ! Tu vois bien que Madame n’est pas de la Gestapo. Et jesuis sûre que s’il le fallait, en cas d’urgence, elle ne te refuserait pas les dernierssacrements…Dominique – Et puis vous êtes en pleine forme, Blanche !Christiane – C’est elle qui nous enterrera tous, croyez-moi.Silence embarrassé.Dominique – Voilà, voilà…Christiane – Bon ben alors euh…Dominique – On va peut-être y aller, hein, Christiane ? Avant que Madame laDirectrice ne change d’avis…Christiane – Maintenant qu’on sait que ma mère est entre de bonnes mains.Nathalie – Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.Christiane – Allez, au revoir maman, on revient te faire une petite visite bientôt,d’accord ?Très émue malgré tout, elle embrasse sa mère. Dominique en fait autant.Dominique – Au revoir Blanche. Et soyez bien sage…Christiane – Merci encore… Et à très bientôt…Christiane et Dominique s’éclipsent discrètement. Blanche les regarde partir,impassible. Puis elle se tourne vers Nathalie.Blanche – C’est qui celle-là ? Pourquoi elle m’appelle maman ?Nathalie la regarde un peu embarrassée.Nathalie – Mais voyons, Blanche, c’est Christiane, votre fille.Blanche – Évidemment, je vous fais marcher…Nathalie (soulagée) – Allez, suivez-moi, je vais vous montrer votre chambre…Nathalie prend la valise et elles commencent à s’éloigner.Blanche – L’autre, en revanche, sa tête de faux jeton ne me dit rien du tout… C’estqui ? Mon gendre ?8Nathalie lance un regard vers elle, se demandant si elle plaisante encore ou pas. Ellessortent.
Henriette, une vieille dame, arrive avec un train de sénateur, voire avec un
déambulateur. Elle s’assied dans un fauteuil et commence à lire un magazine : Votre
Temps. Une autre personne âgée arrive
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